Déclaration liminaire 17/10/23
Il est mal aisé de débuter une déclaration liminaire au lendemain de la journée d’hommage pour nos collègues Samuel Paty et Dominique Bernard.
La CGT Educ’action Versailles s’associe à la douleur des proches des victimes et assure de son soutien l’ensemble de la communauté éducative de la cité scolaire Gambetta-Carnot d’Arras.
La CGT Educ’action Versailles ne peut que condamner cet acte terroriste islamiste commis envers des civils innocents. Fidèle à ses valeurs de tolérance et d’humanisme, elle continuera de combattre tous les obscurantismes. Elle réaffirme qu’il est possible de vivre en paix tous et toutes ensemble.
L’Ecole est attaquée car elle est le reflet d’un vivre ensemble parfois conflictuel mais souvent heureux et qui suscite forcément la haine des réactionnaires de toute obédience. Nous continuerons à nous tenir à l’écart de tous les discours de haine.
La convocation en urgence d’un FSSSCT A permis de donner la parole aux organisations syndicales. Nous avons pu largement mettre en évidence la nécessité d’un réel temps de concertation contrairement à ce qui avait été refusé lors de l’assassinat de Samuel Paty. Si les deux heures ont paru courtes dans le second degré, nous ne pouvons que déplorer que rien ne soit mis en place dans le premier degré où les interrogations sont grandes pour les personnels et pour les élèves.
Ce sont à ces derniers que nous pensons également. Le climat international et national anxiogène pèse sur le parcours scolaire des élèves que nous avons sous notre responsabilité. Cela confère une grande responsabilité de la part de notre institution envers ces générations qui ont connu la crise du Covid, les crises internationales multiples, le terrorisme au sein de l’école et qui doivent faire face au changement climatique. Il s’agit donc d’avoir une réelle ambition pour ces élèves, un projet émancipateur qui corrige les inégalités liées à la naissance et favorise la réussite de toutes et tous.
Pourtant, les grands axes de la politique éducative sont loin d’en prendre le chemin. Nous allons vers toujours plus de concurrences et de sélections. L’attachement idéologique aux évaluations nationales traduit le rêve d’un pilotage par le haut du fonctionnement de nos classes. Nous sommes très loin d’un projet qui mette l’élève au centre de ses apprentissages. Dans le même temps, les évaluations d’écoles sont également une vision descendante de l’éducation. C’est à nouveau le fantasme d’un pilotage qui se fasse en dehors des équipes. Car il s’agit bien de cela dans les remontées que nous pouvons avoir. Les conclusions sont toujours écrites à l’avance et -oh miracle- elles correspondent aux orientations nationales. Nous tenons d’ailleurs à ce que M. Le recteur au diapason de sa collègue de Créteil réaffirme que les évaluations d’école ne sont absolument pas obligatoires et ne peuvent servir de moyens de pression sur les équipes et les collectifs de travail. Nous avions dénoncé depuis le départ le fonctionnement des constellations qui dévoient la collaboration entre pairs et renforcent la mise en place d’une hiérarchie entre les collègues. La pédagogie n’est donc plus l’affaire d’un tâtonnement réfléchi, documenté, nourri des recherches et qui se construit mais l’application d’une doxa dont les résultats restent encore à prouver.
Cette course effrénée vers une mise en concurrence s’accélère dans le second degré. L’imposition d’un module de découverte professionnelle à partir de la 5ème va servir de premier module de sélection une entaille dans le collège unique dont nous analysons les difficultés sans proposer de solutions qui permettent de faire vivre ce projet. Il est nécessaire de faire la place à l’élève/adolescent par une réflexion sur le fonctionnement des établissements. Cela passe aussi par des moyens supplémentaires pour que les effectifs ne répondent pas à des contraintes budgétaires mais à une ambition émancipatrice toujours. Eduquer cela coute cher, c’est donc un choix politique comme celui de gonfler son armée. Nous faisons le choix de la deuxième solution en France. C’est plus que regrettable et nos gouvernements seront comptables de leurs choix dans le futur. Dans notre secteur, nous continuons à nous opposer à la mise en place du SNU qui vise surtout à militariser notre société tout en orientant toujours plus les classes populaires vers ce genre de dispositif. L’armée et les entreprises seraient les meilleurs formatrices pour les élèves.
C’est la traduction que l’on peut faire de la réforme de la voie professionnelle. En effet, le rôle des professeurs est circonscrit à une part de plus en plus infime de la formation en raison des choix qui sont faits d’augmenter pour une partie des élèves le temps de formation en entreprise. Cela revient à dire que les lycéennes et lycéens professionnel.le.s seraient mieux formés au contact de tuteur n’ayant aucune formation pédagogique et souvent trop peu de temps pour transmettre leur savoir professionnel. L’entreprise et l’Ecole ne suivent pas la même logique : la logique intrinsèque d’une entreprise dans un système capitaliste est la recherche du profit. Ce n’est pas encore le cas dans le service public d’éducation. Dans un atelier professionnel tertiaire ou industriel, le droit à l’erreur est possible, l’erreur est même pédagogiquement la manière dont on construit un savoir en progressant. Le lycée professionnel forme en vue de l’obtention de diplômes et non pas seulement sur un outil professionnel. C’est pourquoi nous rejetons l’atomisation des compétences qui s’oppose à une connaissance globale d’une filière. A nouveau, cela demande du temps et des moyens. Nous continuons donc de nous opposer à la réforme de la voie professionnelle et en particulier au nouveau calendrier qui ferait se reproduire en lycée professionnel les erreurs déjà faites en LGT.
Si le changement de calendrier pour le baccalauréat est une bonne chose, il est à signaler qu’il avait été préalablement largement dénoncé par la CGT Educ’action mais plus globalement par une intersyndicale large s’opposant à cette réforme du lycée. Le choix des spécialités reste encore conditionné à la sélection mise en place par parcoursup. Cela crée à nouveau une concurrence entre les élèves.
Nous reviendrons plus précisément au sein des différents points de ce CSA mais nous nous inquiétons particulièrement de la situation des UPE2A. Les places sont largement insuffisantes au regard des besoins. Cela masque mal que des élèves allophones sont positionnées dans des classes ordinaires ce qui fait reposer l’ensemble de l’apprentissage de la langue sur les équipes pédagogiques. Les ajustements à travers les ouvertures se font souvent sans les équipes formées.
Cette politique du flux tendu se traduit enfin dans le remplissage (le mot est inélégant mais traduit la réalité) de classe de STMG ou d’AGORA qui servent de réceptacle pour les élèves sans affectation. Cela favorise le découragement de ces équipes et des élèves. Les personnels sont soumis aux ouvertures de dernière minute. La gestion comptable trouve ici aussi ses limites.
La liste est longue mais elle traduit l’opposition entre des visions différentes de l’éducation : d’un côté, un projet libéral parfaitement incarné par notre président dont les ministres successifs ont pu mettre en place une marche vers la privatisation et de l’autre un projet émancipateur dont la CGT Educ’action Versailles continuera de porter les principes aux côtés des personnels et des élèves dans une époque pourtant bien troublée.