Réforme du lycée professionnel : mobilisons-nous pour le défendre

Un enjeu de classe et de société

La voie professionnelle sous statut scolaire concerne 37 % des élèves. Le LP concentre fortement des populations d’origine populaire (57 % d’élèves d’une « origine sociale défavorisée ») et d’ascendance migratoire (les 3/4 des garçons descendants d’Afrique subsaharienne sont scolarisés dans les filières professionnelles). Par conséquent, cette réforme va surtout impacter les jeunes issu∙es des milieux populaires. Des questions brûlantes s’y posent : reproduction sociale, filières genrées, poids des origines géographiques, finalité de la formation, reconnaissance des diplômes.

Un projet réactionnaire

Après 1945, s’impose l’âge d’or de l’apprentissage des métiers à l’École qui remet en cause la vision utilitariste qui prévalait depuis le début du XX°. Ce succès est le produit d’un rapport de force favorable au monde du travail contre le monde du capital. L’ambition humaniste : « former l’homme, le travailleur et le citoyen » est affirmée.

Le libéralisme des années 1980 a attaqué cette vision émancipatrice. L’effondrement de pans entiers de l’industrie, l’invisibilité croissante des classes populaires, l’abandon des ambitions d’éducation populaire et l’essor du chômage feront le reste : accusé, à l’instar de l’ensemble du système scolaire, de fabriquer des chômeur·euses, l’enseignement professionnel sera sommé d’accroître ses liens avec le monde économique. Les vertus formatrices de l’entreprise sont alors présentées comme novatrices et les stages en entreprise sont alors systématisés. On parle de moins en moins d’éducation et de plus en plus de formation, le diplôme dans sa fonction sociale est attaqué, avec toujours l’idée que le problème vient de la formation et non du chômage de masse ! Depuis la stratégie de Lisbonne en 2000, le système éducatif doit s’adapter aux besoins du patronat pour créer une main-d’œuvre bon marché et précaire comme un élément de la compétitivité mondiale dans le cadre d’un marché du travail européen dérégulé. Le bac pro 3 ans et la « TVP » ont contribué à disqualifier les formations professionnelles initiales.

Compétences, alternance, , employabilité

La réforme Macron qui vise à livrer la jeunesse des classes populaires et les lycées professionnels aux entreprises s’inscrit dans cette continuité. Il s’agit bien de livrer, à moindre coût, la jeunesse issue des classes populaires aux entreprises !

Mais pour quoi faire

« De l’être humain, du citoyen et du travailleur, il ne restera plus alors que ce dernier. Au mieux, une compétence en quête de reconnaissance ; au pire, une force physique brute ajustée provisoirement à des postes de travail, exploitable et corvéable à merci »

Gilles Moreau

Livrer la jeunesse au marché de l’emploi

Le Président prétend œuvrer dans l’intérêt de la jeunesse, mais les occurrences de mots dans le dossier de presse de présentation de la réforme par le Ministère sont édifiantes : emploi (x47), entreprise (x44), stage (x33), insertion (x22), égalité des chances (x3), culture (x1). La réforme Macron a bien pour seule boussole l’employabilité immédiate au détriment des autres missions (éducation, ouverture culturelle, culture professionnelle, citoyenneté…). La création d’un ministère délégué à l’enseignement professionnel (confié à Carole Grandjean) sous la double tutelle du ministre du Travail, du plein-emploi et de l’insertion et du ministre de l’Éducation nationale et de la jeunesse, symbolise bien ce changement d’orientation.

Le faux-semblant de la lutte contre le décrochage scolaire

Au prétexte que 13 % des élèves sont décrocheur·euses en lycée professionnel (contre 30 % de taux de rupture pour l’apprentissage), la question est mise en avant par le gouvernement, mais sans réelles mesures efficientes pour réduire le décrochage en amont (création de postes de CPE, réduction des effectifs dans les classes…).

Pour les élèves, gratification des PFMP financée par l'État et non par les entreprises
Macron dans un tank  écrase des manifestants portant un panneau "Non"

Les grandes mesures de la réforme

  • La mise en place de groupes à effectifs réduits en maths et français en 2nde Bac pro est présentée comme une mesure de remédiation. Mais cela risque de se faire en réduisant les heures disponibles pour les autres matières et seulement si des collègues acceptent le PACTE, créant ainsi des ruptures d’égalité entre élèves.
  • Les élèves « décrocheur·euses » sont précocement envoyé·es vers « des structures d’accompagnement, d’insertion et de formation, tout en conservant quelques mois leur statut d’élève et la possibilité de retour dans leur lycée ». Il s’agit bien de sortir précocement les élèves du système scolaire.
  • Le « Mentorat » est mis en place avec « des partenariats avec les principales associations dédiées à l’accompagnement des jeunes », notamment les entreprises.

Carte des formations : adéquationnisme radical et plan social !

Le gouvernement annonce la « fermeture de 100 % des formations menant insuffisamment à l’emploi ou à la poursuite d’études à la rentrée 2026 » et des ouvertures qui répondent aux besoins locaux en main-d’œuvre des entreprises. Le Ministre de l’EN a annoncé brutalement des reconversions forcées de PLP vers les collèges ou le premier degré ! Les non-titulaires serviront aussi de variable d’ajustement.

Les filières tertiaires (très féminisées) sont particulièrement menacées. Dans les faits, ne pas tenir compte des envies des élèves et piloter uniquement avec les taux d’insertion dans l’emploi, c’est produire plus d’orientation subie pour les élèves ! De plus, plusieurs métiers identifiés comme « d’avenir » ou « en tension », comme les services à la personne (création d’un CAP « grand âge »), peinent à recruter en raison des conditions de travail et de salaires indécentes. Enfin, la création de formations spécialisées (MC, FCIL), non-qualifiantes, essentiellement effectuées en entreprise va se développer.

Déréguler l’année de terminale bac

Dans le LGT, on peut voir l’impact catastrophique du passage anticipé des épreuves de spécialités. C’est ubuesque de voir arriver cette mesure dans un projet présenté comme luttant contre le décrochage. Pour les élèves c’est une nouvelle baisse de temps de formation professionnelle et générale en lycée. De plus, la gratification des stages risque de dissuader les élèves de s’engager vers les poursuites d’études.

Généralisation du dispositif « AvenirPro » : les lycéen·nes qui souhaitent une insertion directe à la sortie du LP seront accompagné·es par France travail tout au long de l’année scolaire.

Les grandes mesures de la réforme

  • Passage de certaines épreuves plus tôt dans l’année scolaire ;
  • Accompagnement personnalisé pour mieux comprendre le marché du travail, les attentes des employeur·euses et connaître les outils et services à sa disposition ;
  • Individualisation du parcours :
    • pour ceux·celles qui envisagent une insertion dans l’emploi dès l’obtention du diplôme : la durée des stages sera augmentée de plus de 50 % ; le dernier stage de l’année ayant vocation à favoriser une insertion directe dans l’emploi ;
    • pour ceux·celles qui souhaitent poursuivre leurs études après le diplôme : ils suivront 4 semaines de cours intensifs d’enseignements généraux et professionnels.
Pour les PLP PRO, obligation de se former tous les 3 ans dans les entreprises
Ces dérégulations entraîneront l'annualisation du services des enseignant⋅es

L’entreprise comme lieu de formation ?

Le fond idéologique est toujours le même : l’entreprise ferait mieux que l’École pour former et insérer. Or, avec la baisse des redoublements, les lycéen·nes de LP sont plus jeunes qu’avant (en 2021 68 % des secondes professionnelles avaient 15 ans ou moins, contre 25% en 2005, selon la Depp). La ministre Grandjean a été régulièrement interpellée sur la qualité et la dangerosité des PFMP. Pour le moment, sa seule réponse consiste à dire que les entreprises seront labellisées et que la création d’un bureau des entreprises réglera le problème.

Pour l'avenir des élèves de la voie pro
Non à la casse des lycées pros

Des PFMP de qualité pour toutes et tous ?

  • Difficiles à trouver et discriminatoires
  • Dépendantes de la conjoncture économique
  • Encadrement parfois défaillant
  • Répétition des tâches

Dangerosité de l’entreprise

  • Accidents du travailleur
  • Exposition aux risques
  • Violences sexistes et sexuelles

Le Pacte PLP : travailler plus pour perdre moins…

C’est le bras armé de la réforme car tous les dispositifs éligibles sont les mesures sur lesquelles elle repose. C’est aussi un levier pour attaquer le statut.

  • Pour les PLP et CPE volontaires, titulaires ou non
  • Mise en place par le ou la chef·fe d’établissement
  • Pas sécable en briques : le mur entier (pas moins de 6 briques pour un total de 7 500 € brut)
  • Missions : remplacement, mise en place des options, aide aux publics en difficultés, relation école/entreprises

Les conséquences d’un tel pacte sont concrètes :

  • individualisation de la rémunération
  • concurrence entre collègues
  • explosion du temps de travail et des ORS avec une menace d’annualisation
  • inégalités femmes/hommes renforcées
No pactaran
On ne signe pas

En savoir plus sur le Pacte

Pacte PLP, arme de destruction massive de notre métier

Pour la CGT Éduc’action, il faut…

  • Revaloriser les salaires
  • Redonner du temps disciplinaires et de la culture professionnelles
  • Redonner de la qualification et en finir avec les compétences
  • Créer des formations en lien avec les enjeux écologiques et les besoins sociaux
  • Lutter contre les inégalités et les discriminations par le retour des LP dans la carte de l’éducation prioritaire

Exigeons…

  • L’abrogation de Parcoursup et de la TVP
  • Une allocation d’étude dans le cadre d’une scolarité obligatoire jusqu’à 18 ans.

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